mercredi 11 août 2021

Le pays de Césaire et les voix


Les nouvelles concernant la Martinique, île maternelle sur laquelle j’ai vécu et dont la situation sanitaire est une des plus critiques en France depuis le début de la pandémie… Comment ne pas pleurer pour ceux qui sont une partie de soi ?

Pensant aux proches des décédés, aux salles ou tentes de réanimation où en ce moment même certains luttent pour sauver certains ou pour se sauver eux-mêmes, sans cynisme aucun. Je me suis rappelé de « Partir… » de Césaire. Poète martiniquais.

« Et venant je me dirais à moi-même :
« Et surtout mon corps aussi bien que mon âme, gardez-vous de vous croiser les bras en l’attitude stérile du spectateur, car la vie n’est pas un spectacle, car une mer de douleurs n’est pas un proscenium, car un homme qui crie n’est pas un ours qui danse…
»

Je dirais feuille. Je dirais arbre. Je serais mouillé de toutes les pluies,
humecté de toutes les rosées... 

Et si je ne sais que parler, c’est pour vous que je parlerai »

Ainsi parla Césaire.

Dans ma tête a résonné doucement : est-ce que je connais aujourd’hui personnellement quelqu’un qui n’a pas de voix ? Et je me suis rappelé de celle que j’ai eu au téléphone, atteinte de Covid-19, clouée au lit, qui pensait que cela allait passer, qui m’a dit entre deux toux : « je ne pouvais pas t’appeler, pas me lever, couchée, je ne pouvais même plus parler ». Plus de voix. Elle avait peur que son mari soit contaminé car déjà immuno-déprimé. Je me suis rappelé de ma meilleure amie en chambre stérile en ce moment, orpheline depuis que son père est mort après avoir contracté la Covid-19, de tous ceux et toutes celles qui sont si discrets, parfois malgré eux. 

Dans l’incertitude d’une pandémie, au siècle des nouvelles technologies, que puis-je faire me suis-je dit ? Je n’ai aucune qualification médicale. Mais je refuse d’être une spectatrice.

Respecter les gestes barrières, me vacciner. Certains y ont travaillé toute une vie et s’accordent encore à le dire. Une piste ? 
Sinon j’attends ? Comme disent certains : "je me préserve, déjà pour ma vie, des gens meurent, mais depuis la nuit des temps c'est ainsi. Suis-je le gardien de mon frère et n’est-ce pas la loi de la nature, les plus fragiles doivent succomber en premier ?"
 
"l’homme-famine, l’homme-insulte, l’homme-torture
on pouvait à n’importe quel moment le saisir le rouer
de coups, le tuer – parfaitement le tuer – sans avoir
de compte à rendre à personne sans avoir d’excuses à présenter à personne..."

Je ne peux pas changer grand-chose à ce monde du libre-arbitre. Mais je peux mettre un masque et me vacciner. C’est mon niveau. "Micro-niveau". Au moins aurai-je pu penser à un autre que moi, triompher ainsi de ce que je pense être mon jugement sur la fragilité d'autrui. 

Suis-je naïve ? Me suis-je faite avoir ? Raison ou tort ? Ces questions ont-elles, dans ce cadre du partage, de l’importance ?
Cet écrit est un témoignage. Un partage poétique aussi, d'un poème "Partir" de Césaire, offert à notre monde*.

 
Christina Goh

* Les phrases en italiques sont extraites du poème "Partir" extrait de Cahier d'un retour au pays natal de Aimé Césaire (1913-2008)

dimanche 1 août 2021

L'air de rien


C'est ce que tu veux ?
Mais l'air de rien
T'envoler ?

Peut-être

Une affection si
Soudaine... Ou sincère
Pour cette voltige ?

Peut-être

L'inconnu mortel sans fil
Ainsi pousses-tu le corps
Dans le triste abîme ?

Peut-être

Rage ou fixation pour 
Laisser au loin, l'oubli
L'infini du vide ?

Peut-être

Peut-être ?
Qu'est-ce donc ?
Ami, te moques-tu ?

Je n'ai pas d'ailes, vois-tu,
"Peut-être" me porte
Et planent mes peurs
En hauteur, ainsi sur terre
Je peux supporter mon enfer
Qui retient la douleur de ma chute

Ah...
Ami, veux tu savoir ce qu'est apprendre ?


Christina Goh